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Le vide politique, la république du renoncement
15 février 2016

FRAUDER LE FISC

FRAUDER LE FISC

 Préliminaire  : "Moins j'en paie, mieux je me porte", telle est la devise des frondeurs du fisc.

 Depuis les temps lointains, le prélèvement fiscal a permis de consolider la puissance des Etats, la formation des Nations, la domination des roitelets petits ou grands. il servait aussi à se parer des turbulences dans les sociétés en devenir. Comme deux frères siamois, la fraude est inséparable du fisc.

 Maraudes et escroqueries : II existe principalement deux sortes de fraude. D'abord la fraude pour raison sociale qui incite à améliorer son quotidien. Exemples : le petit travail au noir, les ventes de gré à gré, les prêts ou les dons familiaux... En fait, des petites soustractions fiscales sans importance.

 On trouve ensuite une panoplie de fraudes qui relèvent de la spéculation, de l'arnaque structurée et organisée. Exemples : les ventes immobilières sous-évaluées, les salaires versés à l'étranger pour une mission sur le territoire français, les sorties de capitaux pour éviter l'impôt sur la fortune, les dessous de table dans le BTP ou dans les services très onéreux (très courant), les complicités boursières et délits d'initiés, l'argent sale de l'économie délictuelle... Là, c'est de l'escroquerie supérieure qui profite des réseaux mondiaux de concussion.

 Les addicts de la finance souterraine : Lorsque la fraude concerne entre plusieurs milliers et des millions d'Euros, on joue gros. La première tentative réussie, on veut rejouer dans le tripatouillage financier. Il n'y a aucun traitement thérapeutique contre l'addiction des fraudeurs. L'argent appelle l'argent, et le monde de la finance internationale ou locale, profitant de l'aubaine, offre les "machines à laver" à ces escrocs petits et grands de la solidarité fiscale. Seules les poursuites judiciaires arrêteront les addicts de la finance souterraine.

 La fraude légale : combien d'artistes, de personnalités du showbiz, de patrons... qui accomplissent leur job en France et vivent plus de 6 mois à l'étranger ? Ils ne sont pas imposables comme les autres. Certains autres ont quand même leur petite combine. A l'extérieur des frontières,vendre des oeuvres artistiques, donner des conférences "gratuites" aux oreilles du fisc, fournir des prestations (genre expertises), diriger des entreprises d'une holding internationale et recevoir une partie des émoluments sur un compte étranger, c'est du "pas vu, pas pris". L'abus de bien social, fait partie de cette fraude semi légale (exemple : l'achat d'un yacht personnel par la société qu'on dirige).

 Ecarter les risques en France : il faut que la perception de ses gains nationaux ne circule pas dans les canaux officiels, repérables par le fisc. Quasi impossible avec un salaire classique déclaré en France. Impossible également avec le produit des rentes trop institutionnelles, comme les actions boursières, les placements d'épargne, les assurance-vie. De même, il est irréalisable de frauder avec les indemnités généreuses accordées à des élus politiques.

 Généralement, si le fraudeur doit trouver une complicité étrangère (banques, organismes de "placements"), il peut recevoir une aide apportée par des sociétés françaises qui jouent l'intermédiaire. D'authentiques receleurs. On en trouve quelques unes dans les agences de recrutement de "hauts" cadres indépendants, agences qui assurent les transactions, moyennant rétribution. Bien qu'ils doivent déclarer à la Banque de France les virements douteux, certains organismes financiers ou bancaires (étrangers ou pas), peuvent faire preuve d'une grande myopie professionnelle. 

 Frauder c'est investir : comme tout spéculateur financier, le fraudeur attend un retour sur investissement de ses revenus "défiscalisés". Il doit donc spéculer à grande échelle et obtenir des gains qui soient supérieurs aux prélèvements d'impôts qu'il aurait subis en déclarant tous ses actifs. Par conséquent, il accepte souvent de payer des commissions aux intermédiaires français et/ou étrangers. Frauder c'est investir, mais c'est aussi rentrer dans une chaîne dont un maillon peut céder.

 "Les yeux dans les yeux" : certaines professions "libérales" (notez la précision ad hoc du mot libérales) ont des gros revenus dont la trace est souvent volatile. L'avidité du gain peut être stimulée par la corruption organique de certaines entreprises, voir de certains Etats. Quand le fisc parvient à débusquer certains fraudeurs, il tire un fil et souvent la pelote se déroule. Notre ancien ministre du budget a dû dérouler sa bobine de malchance.

 Jérôme Cahuzac avait bien déclaré devant les représentants de l'Etat et de la Nation : "les yeux dans les yeux,je vous dis que  je n'ai jamais eu de compte à l'étranger". Et puis voilà, son ex-femme est impliquée, les comptes de sa mère ont sans doute servi au blanchiment des gains fraudés, la Suisse (on a l'habitude), les Iles Caïmans, certains intermédiaires français, dont une banque, sont découverts... et forment cette chaîne des complicités.

 "La fraude adroite et subtile sème de fleurs son chemin". Jean Racine nous manque.

Le chemin de Cahuzac aurait pu resté fleuri et scintillant. Bien sûr, il avait lu aussi ce vers de Pierre Corneille : "Pour ton propre intérêt sois juge incorruptible". N'avait-il pas vilipender les fraudeurs, dénoncer l'évasion fiscale jusqu'à faire adopter une loi ferme et intransigeante? Comme un criminel qui revient sur les lieux de la scène, notre cher Ministre avait choisi le terrain de la fraude pour devenir une icône incorruptible.

 Devenu Ministre, il n'a fait que salir un peu plus l'image d'un monde politique, monde qui n'en finit pas de charrier ses indulgences, face à la corruption, la fraude, l'omnipotence de l'argent. L'autre monde, celui de la finance, a paraît-il "tous les pouvoirs" (F. Hollade/Le Bourget 2012). C'est pourquoi Jérôme Cahuzac a été remplacé par Emmanuel Macron qui manifestement s'inspire de ce proverbe : "soyez riches, il en restera toujours quelque chose".

 

Merci MEDIAPART pour ce courage professionnel, peu ressemblant à cette mousse médiatique qu'on nous incube quotidiennement.

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Le vide politique, la république du renoncement
  • Les situations et les hommes politiques côtoient souvent le néant. Ils promettent pour tenter d'accéder au pouvoir, mais grâce aux médias, aux renoncements, aux imprévus événementiels, ils inventent les diversions qui justifient leurs renoncements.
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