Depuis Giscard, les Présidents élus ont tous fait leur parcours du combattant : diriger, contrôler et préparer le parti qui les porte, avant de se présenter au scrutin hasardeux du pouvoir suprême. Contrôler son appareil partisan permet de redistribuer les cartes auprès des courtisans, des donateurs de compliments, des fidèles dociles et des futures élites ministérielles, formant ainsi l'encadrement nouveau des futures batailles politiques. Ces affidés, en principe dignes de confiance, pratiqueront de même dans les strates de l'organigramme du parti. Leur avenir dépendra en partie de la providence émanant de l'action du nouveau chef. Le centralisme "démocratique" n'est pas que l'avatar de Georges Marchais. C'est une composante ineffaçable de l'organisation d'un parti.

La bataille politique en cours pour les présidentielles de 2017 est pleine de surprises dans les rangs et l'électorat socialistes :

 Le PS est en crise humanitaire. Son premier secrétaire tente d'éteindre les incendies de la contestation. Beaucoup de militants restent dubitatifs: Hollande est-il toujours à gauche? Le PS va-t-il se reconstruire avec Valls, Macron et nouveaux consorts qui prônent l'alliance avec la finance? Le président sortant, est-il le candidat légitime pour 2017 comme le prétendent certains affidés du gouvernement (Fleur Pellerin sur BFM, le 11/01/16)?

Voilà un mystère : comment se définit la légitimité? Le seul ennemi déclaré de François Hollande était le monde de la finance. Enarque, grand magistrat éphémère, bonhomme et conciliant, il a cru que ce monde très occulte deviendrait son ami providentiel, qu'il serait capable de lui renvoyer l'ascenseur après les cadeaux et les renonciations successives qu'on lui a concédés. Comme il le proclamait au Bourget avec une audace, probablement feinte, "la finance détient tous les pouvoirs". Parce qu'il a pris l'engagement de la combattre et qu'il ne l'a pas fait, Hollande n'est déjà plus légitime.

Est-ce la peur du terrorisme qui s'installe dans la nation française et la nécessaire réplique républicaine qui rendraient sa légitimité à Hollande? Peut-on imaginer qu'un autre président n'aurait pas mobiliser les moyens de l'Etat pour répliquer de même? Bien heureusement, la peur événementielle ne pourra jamais rendre légitime un président déclaré de gauche qui ne rend pas les comptes de sa politique de droite, même si tout est fait aujourd'hui pour oublier les affres sociaux et économiques de la société française. La peur ne donne aucune autre légitimité à Hollande.

N'oublions pas que plus de 40% de nos concitoyens ont subi une ponction économique déplorable, commencée de longue date, mais accentuée depuis mai 2012. La peur du lendemain a d'autres visages qu'il ne faut pas laisser sous silence. Le boulet de l'emploi pour les jeunes ou les seniors, le taquet des retraites et des salaires, et le guichet accueillant pour la finance ne deviendront pas des oublis politiques dans les batailles à venir.

Alors, l'organisation d'une primaire à gauche pourrait-elle redonner un visage légitime à la gauche? Dans une telle mise en scène, voir Hollande banalisé dans des débats faussement contradictoires, ne le rendrait pas plus légitime. Comme l'opinion publique ne croit plus trop à ses engagements politiques, peut-être qu'en acceptant la primaire, il pourrait tenter de reconquérir une légitimité, en pensant comme Racine l'écrivait dans Bajazet: "daignez m'ouvrir au trône un chemin légitime".

Mais pour être légitime, il faut être crédible, et je suis incrédule.